L’ANXIÉTÉ ET LA PEUR

EDITION 1

CE NE SONT PAS LA MÊME CHOSE

Le niveau général d’anxiété est un trait de personnalité assez stable, une composante importante du tempérament. Qu’est-ce qui fait que chacun d’entre nous a son niveau d’anxiété individuel ? Cela s’explique en partie par le fait que chacun fait ses propres expériences et que chacun y réagit de manière différente (l’anxiété est donc subjective). Mais qu’est-ce qui nous rend psychologiquement différents ? La réponse est que chacun de nous a un cerveau d’un certain type : alors que tous les cerveaux humains sont similaires dans leur structure et leurs fonctions générales, au niveau microscopique, ils sont câblés subtilement différemment et cela fait de nous des individus uniques.

Le mot anglais anxiety et les termes européens équivalents viennent du latin anxietas qui à son tour vient du grec angh qui signifie opprimé, angoissé. Tout au long de l’histoire, il y a eu différentes définitions de l’anxiété et de l’angoisse, mais malgré sa longue histoire, jusqu’au début du XXe siècle, le mot « angoisse » n’avait pas été pensé principalement en référence à un état troublé et inquiet ou à une cause psychopathologique. Cette transformation a commencé lorsque Freud a fait de l’angoisse le point central de sa théorie psychanalytique des troubles mentaux. Selon Freud, l’angoisse est à l’origine de la plupart des troubles mentaux et est placée au centre de toute compréhension de l’esprit humain. 

L’anxiété concerne l’état lui-même et est indépendante de l’objet qui la suscite, tandis que la peur attire l’attention sur l’objet lui-même. Dans la peur, nous nous concentrons sur une menace externe spécifique, un événement présent ou imminent, tandis que dans l’anxiété, la menace est généralement moins identifiable et plus difficile à prévoir.

Trouille, panique, appréhension, effroi, trac, terreur, tremblement, frayeur, pétoche, crainte, tremblement, inquiétude, affolement, phobie…

Chez les Inuits, on retrouve beaucoup de mots pour désigner la neige. Selon certains auteurs toutes ces appellations existent parce que la neige représente quelque chose d’important, un fait quotidien duquel on parle souvent. La peur et l’anxiété sont très importantes pour nous et c’est pourquoi les variations de ces deux mots sont nombreuses. On ne sait pas dans quelle mesure les exemples de chaque catégorie sont des états de peur ou d’anxiété distincts ou simplement de légères nuances, des synonymes, des variations d’un même état. Malgré toutes ces complications, on a quelques traits distinctifs : un état de peur, en effet, survient lorsqu’une menace est présente ou imminente ; un état d’anxiété lorsqu’une menace est possible, mais que sa réalisation est incertaine.

Dans la vie quotidienne, les états de peur et d’anxiété ne sont pas complètement indépendants. Il est probablement impossible de ressentir la peur sans être anxieux : dès que vous avez peur de quelque chose, vous commencez à vous inquiéter des conséquences et du danger de celle-ci.

« Qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu’il craint » – Montaigne

Pouvons-nous vraiment faire une distinction entre la peur et l’anxiété, étant donné que les deux sont des réponses anticipatives à un danger, et sont donc étroitement liées ? Oui, un stimulus immédiatement présent qui est dangereux entraîne la peur. Cependant, lorsque l’état en question implique une préoccupation concernant quelque chose qui n’est pas présent et qui peut ne jamais se produire, il s’agit alors d’un état d’anxiété. Comme l’anxiété, la peur peut impliquer l’anticipation, mais la nature de l’anticipation est différente dans les deux cas : l’anticipation de la peur concerne si et quand une menace actuelle causera des dommages, tandis que l’anticipation de l’anxiété implique l’incertitude quant aux conséquences d’une menace qui n’est pas présente et qui pourrait ne pas se produire.

E. Hanan

Bibliographie

LeDoux, J. (2003). The emotional brain, fear, and the amygdala. Cellular and molecular neurobiology, 23(4-5), 727-738.

LeDoux, J. E. (2014). Coming to terms with fear. Proceedings of the National Academy of Sciences, 111(8), 2871-2878.

LeDoux, J. (2015). Anxious: Using the Brain to Understand and Treat Fear and Anxiety. New York, USA : Viking.