MOI ET LA SCHIZOPHRÉNIE

EDITION 4

Vous savez, le jour où j’ai fixé une date pour un rendez-vous avec mon futur maître de stage, j’ai passé la soirée à m’informer un peu plus sur l’hôpital et sur la population clinique qui le fréquentait. 

Quand j’ai découvert que c’était une population qui était surtout atteinte de troubles psychotiques je ne vous nie pas que j’ai eu peur. Je ne m’y connaissais pas énormément à l’époque – ce qui ne veut pas dire que je m’y connais énormément maintenait, même si j’y travaille – juste, je trouve ça dommage que moi en tant qu’étudiante en psychologie j’en connaisse autant que la plupart des gens. Cela peut aussi s’expliquer par le fait que je me suis toujours plus intéressée aux troubles neuropsychologiques que psychopathologiques, mais je sais que ce n’est pas une excuse valable.

Le jour de l’entretien, je me suis retrouvée à attendre l’heure de mon rendez-vous dans la salle commune des gens internés à l’hôpital – c’était parce que je m’étais trompée d’endroit d’attente – néanmoins grâce à cette erreur je me suis rendu compte des stéréotypes que moi-même j’avais sur une population affectée par la schizophrénie. Des stéréotypes extrêmement négatifs, puisque je me suis retrouvée effrayée des gens autour de moi : j’avais peur d’être cible d’un acte de violence ou je ne sais pas quoi d’autre. 

Après plusieurs dizaines de minutes d’attente j’ai pris conscience de l’erreur que j’étais en train de commettre. Je me suis rendu compte que ces gens-là étaient tout comme moi, des êtres humains, avec une histoire et un vécu et que cela était ce qui devrait les définir à mes yeux et pas le trouble en lui-même.

En faisant des recherches, par la suite, j’ai découvert que la schizophrénie touchait, environ 1 % de la population mondiale, de tout sexe et milieu socio-économique confondu (McCutcheon RA et al., 2020).

J’ai découvert aussi que la schizophrénie est un peu comme un cancer. Il y n’y a pas une schizophrénie, mais plusieurs types de schizophrénie. En effet, plusieurs recherches, comme le rapporte la méta-analyse de Goldsmith et al. (2016), montrent que le taux de cytokine présente dans le sang d’un patient pourrait définir de quel type de schizophrénie il est atteint. Tout comme le cancer, elle évolue aussi en plusieurs phases qui peuvent soit s’aggraver soit se stabiliser dans le temps.

Après toute une série de recherches et de témoignages, j’ai eu l’impression que cette maladie était un peu comme une épée de Damoclès qui était pendue au-dessus de la tête des patients, la plupart d’entre eux, en effet, vivent dans cette peur constante qu’une nouvelle crise surgisse. Sans compter que vu que la maladie se révèle entre les 15 et 25 ans, les parents, eux aussi doivent accepter la maladie, et sinon faire le deuil d’un futur déjà idéalisé, dans leurs têtes, pour leur enfant. 

Grâce aux témoignages, j’ai aussi compris que les préjugés que la société avait envers cette maladie, finissaient par être appropriés par les patients, comme dans  la prophétie autoréalisatrice : c’est comme si les patients commençaient à se voir à travers la vision que le reste du monde avait d’eux, alors qu’on devrait plutôt les aider à reprendre en main le cours normal de leur vie. 

Dans une étude (McCutcheon RA et al., 2020) on disait qu’environ 20% des personnes souffrant de schizophrénie, développent une forme auto-immune de la maladie. Ces patients possèdent alors des auto-anticorps qui se dirigent contre leur propre organisme : des molécules qui vont perturber le passage de l’information entre les neuronesCes molécules sont pathogéniques et quand elles s’approchent des récepteurs, ceux-ci sont déstabilisés, déplacés à l’extérieur de la synapse ce qui réduit la transmission de l’information au cerveau. Dans cette étude les chercheurs se demandaient s’il n’y avait pas un lien entre ces patients avec ces anticorps et le 30% des patients qui répondent mal aux traitements avec des antipsychotiques. 

En lisant cette étude je me suis souvenue d’un documentaire où un patient adorait faire de la mosaïque, puisqu’il trouvait que cela lui permettait de tout oublier, que ça lui permettait de ne plus avoir du tout la notion du temps, que ça lui permettait d’être absorbé par quelque chose, de créer quelque chose. Il disait qu’avec la maladie on est souvent éparpillé dans tous les sens et on tente de se reconstruire et que la mosaïque c’est un peu pareil : des bouts qu’on assemble ensemble pour créer une unité, pour créer un tableau. Il disait que la mosaïque c’était un peu une métaphore de sa vie, de sa maladie.

E. Hanan

Bibliographie 

Watanabe, Y., Someya, T., & Nawa, H. (2010). Cytokine hypothesis of schizophrenia pathogenesis: evidence from human studies and animal models. Psychiatry and clinical neurosciences, 64(3), 217-230.

Goldsmith, D. R., Rapaport, M. H., & Miller, B. J. (2016). A meta-analysis of blood cytokine network alterations in psychiatric patients: comparisons between schizophrenia, bipolar disorder and depression. Molecular psychiatry, 21(12), 1696-1709.

Insel, T. R. (2010). Rethinking schizophrenia. Nature, 468(7321), 187-193.

McCutcheon RA, Reis Marques T, Howes OD. Schizophrenia—An Overview. JAMA Psychiatry, 77(2):201–210. 

Watanabe, Y., Someya, T., & Nawa, H. (2010). Cytokine hypothesis of schizophrenia pathogenesis: evidence from human studies and animal models. Psychiatry and clinical neurosciences, 64(3), 217-230.