L’ÉCRITURE AUTORÉFÉRENTIELLE ET SES BIENFAITS

EDITION 4

Parmi toutes les facultés cognitives acquises au cours de l’aventure humaine, la lecture et l’écriture occupent une place prépondérante dans notre vie quotidienne. Que vous soyez en train de bouquiner, d’envoyer des textos, de swiper sur votre écran, de rédiger votre travail de fin d’études, ou si vous êtes simplement en train de vous balader dans la rue, vous aurez sans l’ombre d’un doute fait usage de ces deux facultés de langage, peut-être même à votre insu. Le fait est que la communication occupe une place centrale dans la vie humaine (ne dit-on pas que l’humain est un animal social ?), à un point tel que la lecture d’une affiche qui se trouve dans votre champ de vision se fait automatiquement, et sans effort. Enfin, à part si vous êtes illettré. Dans ce cas, ce qui suit ne vous sera sûrement pas d’une grande aide. Il en va de même pour l’écriture, si l’information circule si bien dans les sociétés humaines, c’est en grande partie grâce à elle ! Depuis la nuit des temps, être humain implique nécessairement le fait de communiquer informations et émotions avec les autres. Communiquer avec ses pairs est donc inévitable, au point où converser avec soi-même pourrait apparaître comme futile ou même insolite.

La recherche scientifique a investigué la question, et il en ressort que l’écriture, étant une forme organisée de la pensée, aide les individus à extraire des informations des événements importants de leur vie et à guider leurs perceptions, actions, émotions et pensées. Sur le long terme, tirer des conclusions des événements importants du vécu permet aussi de réduire les ruminations et les affects négatifs qui survivent après l’occurrence d’un trauma. De plus, clarifier ses valeurs et ses aspirations pour le futur tend à produire des affects positifs souvent associés à une motivation à accomplir ses objectifs, et réduit l’incertitude qui se traduit en doute, angoisse et absence de sens.

Ces observations permettent d’utiliser l’écriture comme outil thérapeutique à la fois simple et bénéfique sur le long terme. La méthode employée, appelée expressive writing (ou écriture autoréférentielle), a été mise au point par James W. Pennebaker et consiste à relater un épisode traumatique personnel par session de 20 min. Pour bien faire, il est important d’être dans un environnement sécurisant et à l’abri des distractions. L’exercice peut s’effectuer à main levée ou sur ordinateur. Durant l’exercice, l’écriture se fait en continu sans porter d’attention spécifique à la grammaire ou l’orthographe. L’expérience doit être poursuivie sur une période de 4jours.

A court terme, beaucoup de participants ont rapporté avoir eu une baisse de mood, une certaine détresse passagère, et parfois des symptômes physiques. Ces symptômes semblent disparaitre dans l’écrasante majorité des cas. En effet, il semble que confronter ses souvenirs et leur apporter une structure narrative cohérente aide à réorganiser les souvenirs traumatiques. Ce processus cognitif permet l’émergence de représentations internes plus adaptées, qui viennent soutenir la vitalité du sujet.

À la suite de mesures physiologiques et de comptes-rendus avec le thérapeute, une nette amélioration sur une multitude d’indicateurs de santé ont pu être significativement observés à long terme sur l’échantillon étudié. Parmi ces résultats, on distingue :

  1. L’amélioration de la santé physique :
  2. Une baisse de la fréquence des visites chez le médecin
  3. Une meilleure immunité
  4. Une réduction de la pression sanguine
  5. Une amélioration du fonctionnement pulmonaire
  6. Une amélioration du fonctionnement du foi
  7. Une baisse du nombre de jours à l’hôpital
  8. Une amélioration du « mood » ou des affects
  9. Un sentiment de bien-être psychologique 
  10. Une réduction des symptômes dépressifs présents avant l’intervention
  11. Une fréquence réduite d’intrusion des affects traumatiques et des symptômes d’évitement
  12. Les changements sociaux et comportementaux :
  13. Une baisse de l’absentéisme au travail
  14. Une embauche plus rapide après perte d’un emploi
  15. Une amélioration de la mémoire de travail
  16. Une amélioration des performances sportives
  17. Une moyenne pondérée plus haute chez les étudiant(e)s
  18. Une altération des comportements linguistiques et sociaux

Avec la crise sanitaire actuelle, les activités quotidiennes ont été nettement ralenties. Là où avant les routines se mettaient en place spontanément, aujourd’hui plus de discipline est requise pour accomplir les objectifs que l’on s’est fixés. Ce flottement que l’on peut ressentir peut parfois freiner la plupart et en paralyser certains. L’écriture autoréférentielle constitue un bon outil thérapeutique mais peut être également employé à visée personnelle (il est toutefois recommandé d’effectuer cet exercice lorsqu’on se sent relativement stable et de bonne humeur). Si cela peut être utile à certains, l’énoncé de l’exercice se trouve ci-dessous.

« Pour les 4 prochains jours, j’aimerais que vous écriviez vos émotions et vos pensées les plus profondes à propos de l’expérience la plus traumatique de votre vécu ou sur un problème émotionnel important qui vous a affecté vous et votre vie. Lorsque vous écrivez, je souhaiterais que vous vous laissiez aller et que vous exploriez vos émotions et pensées les plus intenses. Il se peut que vous vouliez mentionner vos relations avec les autres, y compris vos parents, vos partenaires, vos amis ou encore vos connaissances ; vous pourriez mentionner votre passé, votre présent ou votre futur ; ou bien qui vous avez pu être, qui vous êtes, ou encore qui vous voulez devenir. Vous pouvez écrire sur le même problème ou le même incident tous les jours ou vous écrirez, vous pouvez également traiter d’un sujet différent chaque jour. Tous vos écrits resteront confidentiels. Ne vous souciez pas de la grammaire, de l’orthographe ou de la structure de vos phrases. La seule règle est qu’une fois que vous avez commencé à écrire, vous continuez jusqu’à ce que le temps soit écoulé. »

F. Sascha

Références :

Baikie, K. A. & Wilhelm, K. Emotional and physical health benefits of expressive writing. Advances in Psychiatric Treatment, 11, 338-346.

Harber, K. D., & Pennebaker, J. W. (1992) Overcoming traumatic memories. In The Handbook of Emotion and Memory: Research and Theory (ed. S.-Å. Christianson), pp. 359–387. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates.

Pennebaker, J. W. (1997) Writing about emotional experiences as a therapeutic process. Psychological Science, 8, 162–166.