Bruxelles, le 16 mai 2021
Chère/Cher …,
Je ne sais pas à qui j’écris cette lettre, je ne sais pas non plus qui va la lire. Nostalgique d’une époque que je n’ai jamais connue, et que je ne voudrais jamais connaître réellement d’ailleurs, j’ai eu envie d’écrire une lettre. Par ailleurs, je ne l’ai pas écrite sur un papier, je n’ai pas trempé ma plume dans un encrier, je n’ai pas attendu que l’encre sèche… Il m’arrive encore d’utiliser un papier et un stylo, juste pour noter quelques mots. J’aime bien sentir le stylo glisser sur le papier, laisser une trace, écrire le passé pour le futur. N’est-ce pas parce que nous avons une trace du passé que nous pouvons être nostalgique ?
Avant de répondre à notre question, nous devons d’abord nous entendre sur la définition. Wikipédia définit la nostalgie comme suit : « (…) un sentiment de regret des temps passés ou de lieux disparus ou devenus lointains, auxquels on associe des sensations agréables, souvent a posteriori ».
Le « regret » sous-entend déjà que c’est un événement ou une action qui a déjà eu lieu ou non dans le passé. Cependant, pour qu’il y ait nostalgie, l’événement doit obligatoirement avoir lieu. Nous ne pouvons donc pas être nostalgique de ce qui n’a pas été fait ou qui n’a pas existé. Selon cette définition encore, la nostalgie est une envie de retrouver un événement qui a déjà eu lieu et qui nous semble agréable, plaisant. La nostalgie est donc un manque à remplir. La définition ne nous dit pas que nous devons avoir vécu ces moments nous-mêmes mais qu’ils doivent être passés et associés à une sensation agréable.
Pour autant, je suis nostalgique d’une époque lointaine que je n’ai pas connue. Cette période n’a pas réellement existé pour moi. Je l’ai vue à travers des films, des séries, des livres, des témoignages de personnes qui ont vécu cette époque. J’ai bien une trace, un doux souvenir d’un temps où nous trempions notre plume dans un pot d’encre, transmis par différents médiums. En lien avec notre définition : Qu’est-ce que j’essaie de retrouver par cette nostalgie ? Quel manque je tente de remplir ? Qu’est-ce que j’essaie de retrouver de cette période ? Est-ce que je veux réellement retrouver cette période ?
Le point important de notre définition est que nous voulons retrouver ce qui nous a donné une sensation agréable. Ce n’est pas tellement le fait d’écrire sur du papier que je souhaite retrouver, mais plutôt la première excitation d’avoir du papier et un stylo à la main, l’émoi des premières fois, l’ambiance qui entourait ces films que je regardais en famille, le sentiment transmis par ces scènes…
Ce qui me fait penser que personne ne veut retourner dans un passé où ils n’ont pas le confort d’aujourd’hui. « C’était mieux avant » n’est qu’une nostalgie d’une envie de retrouver l’insouciance de la jeunesse, le manque de connaissance de la vie d’adulte, de ne pas avoir de responsabilité, … En somme, ce n’est pas « c’était mieux avant » mais « c’était agréable d’être jeune ».
Et peut-être qu’en cette période de coronavirus, les fêtes, les rencontres, les rassemblements ne sont pas tellement dues à une incompréhension, une méconnaissance des risques de la maladie, ce n’est peut-être pas par pur plaisir de transgresser les règles, c’est peut-être une envie de regagner une insouciance, une méconnaissance de la vie pour pouvoir dire à la jeunesse du futur : « C’était agréable d’être jeune ».
G. Fatih